Dans cette époque où les réseaux sociaux ont transformé la parole publique, où l’insulte se répand en quelques secondes et où la calomnie devient virale avant même que la raison n’ait eu le temps de s’éveiller, une question fondamentale se pose à tout citoyen : faut-il répondre aux attaques personnelles ou observer le silence de la dignité ?
Cette interrogation n’est pas nouvelle. Elle traverse l’histoire de notre civilisation. Mais elle prend aujourd’hui une acuité particulière dans ce monde numérique où la violence verbale s’est affranchie de toute retenue.
Nous sommes les héritiers d’une tradition où la parole est sacrée. Lorsqu’elle est détournée pour blesser ou détruire, elle heurte ce que nous avons de plus précieux : notre honneur. Et face à cette blessure, le désir de réponse est légitime.
Mais prenons garde. La riposte immédiate procède souvent de l’emportement. Or, l’emportement est mauvais conseiller. Combien avons-nous vu d’hommes et de femmes s’enferrer dans des joutes verbales qui n’ont fait qu’amplifier leur préjudice initial ! La violence appelle la violence, et ce cercle infernal ne sert jamais la vérité.
Le silence a ses vertus. Non pas le silence de la lâcheté ou de la résignation, mais celui de la hauteur. Socrate, face aux accusations qui devaient le conduire à la mort, n’a-t-il pas choisi une forme de silence éloquent ? Non qu’il renonçât à se défendre, mais il refusa d’adopter les méthodes de ses accusateurs.
La vraie question n’est donc pas tant de savoir s’il faut répondre, mais comment répondre. Et surtout, à quel moment.
La réponse différée, mesurée, appuyée sur des faits plutôt que sur des émotions, est généralement la plus efficace. Elle suppose ce courage particulier qui consiste à supporter provisoirement l’injustice d’une accusation fausse, pour mieux la réfuter ensuite.
Il faut mettre en tête que la vérité ne s’impose pas par la clameur, mais par la conviction tranquille de celui qui sait où est le droit. Cette conviction peut s’exprimer avec force, avec passion même, mais toujours avec cette retenue qui caractérise les causes justes.
Si vous choisissez de répondre aux attaques infondées dont vous êtes l’objet, faites-le avec la sérénité de celui qui n’a pas à craindre la vérité. Ne vous abaissez jamais au niveau de vos détracteurs. Votre parole doit être celle de la raison, non celle de l’invective.
La justice du temps donne rarement raison aux colporteurs de rumeurs et aux semeurs de haine, car les voix mesurées finissent toujours par emporter…
Alors, oui, il faut parfois répondre – non pour alimenter la polémique, mais pour que triomphe cette valeur cardinale sans laquelle aucune société ne peut vivre : la vérité.
Haki Rozzi Ali
Juriste, administrateur civil, nouvelliste